Trouvé sur: Spiritisme.netLa prise électriqueDevant réincarner prochainement, j'ai été conduit au sein de votre enceinte de prière et de fraternité par des bienfaiteurs et des amis afin que je vous parle un peu de mon histoire, amère punition réservée à ceux qui usent de leurs oreilles avec légèreté ainsi qu'à ceux qui usent de leur langue avec imprudence.
Sans ornement verbal d'une quelconque nature, pour ma douloureuse confession, je passe directement à mon triste cas, à la façon d'un fou qui retrouve son jugement après s'être noyé dans la bassesse d'un marécage.
Il y a quelques années, durant mon ultime passage sur Terre, j'étais un humble commerçant aux habitudes simples. Alors que j'avais un peu plus de 30 ans, j'ai épousé Marina qui était beaucoup plus jeune que moi et, pour vivre notre bonheur, nous avons construit notre paradis domestique au sein d'une petite maison dans un quartier bruyant de Rio.
Notre vie modeste était un cantique de félicité, entrelacé d'espoirs et de prières ; cependant, comme j'étais d'un ordinaire méfiant et inquiet, j'aimais mon épouse sous l'empire d’une passion maladive.
Marina était très jeune, presque une gamine... Elle aimait les couleurs festives, le cinéma, la vie sociale, la franche rigolade et, du fait qu'elle avait gardé un tempérament infantile, son nom fut très vite souillé par la médisance qui fustige le bonheur, comme l’ombre court après la lumière.
Autour de nous, la rumeur a commencé à courir. Si nous prenions le tramway, nous étions aussitôt l'objet de regards alarmés, et l'on chuchotait tout en se souvenant de notre nom... Si nous traversions une place, de discrètes huées nous suivaient presque toujours...
C'est alors que j'ai commencé à recevoir des messages secrets, des coups de fil impromptus, des lettres anonymes ainsi que des conseils de la famille, qui rassemblaient diverses accusations. «Marina manque aux obligations du foyer». «Marina est ingrate et infidèle». «Marina respire la boue». «Marina est devenue légère».
Plusieurs fois, ma propre mère, par zèle pour notre nom, m'appelait à l'honneur et m'invitait à prendre des mesures. Des amis me chuchotaient des anecdotes irrévérencieuses où il me fallait lire entre les lignes.
D'énormes luttes sentimentales m'occasionnaient des conflits désespérants. La joie spontanée prit fin en notre maison. En vain, ma compagne faisait valoir son innocence et faisait appel à mon cœur ; toutefois, de denses ténèbres prenaient possession de ma raison et me poussaient à songer à des scènes effrayantes autour de fautes inexistantes.
Comme si moi-même j'étais pur, j'exigeais la pureté de ma femme. Comme si j'étais un saint, j'exigeais d'elle la sainteté. Quel déplorable aveuglement humain !
C'est ainsi qu'une après-midi, qui ne s'effacera jamais afin que le remords me frappe, le téléphone sonna : quelqu'un voulait me prévenir. Il était trois heures de l'après-midi... Quelqu'un à l'esprit tourmenté m'informait qu'un étranger se trouvait dans ma chambre.
Devenu fou furieux, j'ai pris un revolver et me suis rendu à mon domicile. Sans bruit, je suis entré dans notre chambre et, avec les yeux ternis par le désespoir, j'ai vu Marina courbée auprès d'un homme qui était aussi courbé à deux pas de notre lit.
Je n'ai pas eu le moindre doute et je leur ai tiré dessus, chagriné...
J'ai vu leur sang se mélanger alors qu'ils me jetaient des regards de grande épouvante et, parce que je n'ai moi-même pas pu résister à cette si grande infortune, je me suis moi-même explosé le crâne d'une seule balle, tombant aussitôt après, pour me réveiller dans la tombe agrippé à mon corps plein de plaies et à l'odeur nauséabonde qui servait de nourriture aux vers affamés.
J'ai vainement cherché à me libérer de ma carcasse de boue, à me cloîtrer dans l'ombre. Des éclats de rires ironiques venant d'esprits malheureux encerclait ma prison.
Décrire mon tourment est une tâche impossible compte tenu de l'état du vocabulaire des hommes, parce que la parole des hommes n'a pas suffisamment de force pour peindre l'enfer qui rugit à l'intérieur de l'âme. Durant très longtemps, j'ai bu avec amertume mon calice d'affliction et d'effroi, jusqu'à ce que des mains amies m'aient enfin éloigné de la prison de la boue.
C'est alors que je vins à savoir que Marina n'était en rien coupable et qu'elle avait été sacrifiée par mes mains de fou. L'épouse dévouée et innocente qu'elle était avait simplement demandé à un voisin de réparer la prise électrique brisée de leur humble chambre, afin de pouvoir repasser le linge dont j'aurais eu besoin le lendemain.
Saisi par la honte et pris de nausée envers moi-même, avant de supplier le pardon de mes pauvres victimes, j'ai, humilié, imploré l'épreuve qui m'attend...
C'est ainsi que m'adressant aux âmes insouciantes qui cultivent, sur Terre, le vice de la calomnie, je viens leur dire à toutes, dans la condition d'un criminel, que pour me guérir de ma propre sottise, j'ai prié le Père Céleste, et il m'a été concédé la grâce d'un demi-siècle de maladie et de martyre, de luttes et de flagellation à travers la douleur d'un corps d'aveugle.
De l'esprit JulioBibliographie: « O espirito da verdade », Francisco Candido Xavier
Traduction : Jean Emmanuel NUNES